Découvrir l’environnement par des ateliers éducatifs
Sous une température que l’ombre des pins peine à réduire, un petit groupe de personnes s’affaire autour de l’un des sentiers du site J.A. Martin dans la forêt domaniale des Trois Pignons. Grimpeurs et grimpeuses néerlandais, français, allemand : certains finissent de fixer la planche d’une marche, d’autres reviennent avec des branches mortes, des seaux d’aiguilles séchées ou du sable encore chaud. Nous sommes le samedi 10 juin, il est presque 17h à l’issue d’un “Atelier érosion” animé par des bénévoles du club d’escalade local de Milly-la-Forêt (CLAC). Malgré une douzaine de bras et trois bonnes heures de travail, il reste encore beaucoup de sable à remonter pour compléter la marche en cours de construction. Ces heures auront toutefois suffi à traverser les différentes étapes de ce type de chantier. Sur les sentiers les plus empruntés de la forêt, cela consiste d’abord à identifier les zones dont la morphologie laisse deviner d’importants écoulements de sable sous l’effet des pluies et du vent. L’objectif est alors de les aménager en construisant des marches à l’aide de matériaux de récupération – planches, piquets, pierres – comblées avec du branchage, des aiguilles, du sable. Le tout est de créer un trajet accessible, aux artifices discrets, pour guider les pas des marcheurs et éviter d’augmenter ou d’étendre les risques d’érosion par piétinement.
Cet atelier est l’une des nombreuses activités proposées par la deuxième édition du festival Oh My Bloc à Milly-la-Forêt en juin 2023. Il permet de faire l’expérience d’actions collectives concrètes pour réduire les impacts environnementaux liés à l’escalade. Ce sport connaît une forte expansion, en salle en particulier, avec un nombre de pratiquant-e-s en Europe multiplié par cinq depuis 10 ans. Si une faible part de ces activités est transférée en milieu naturel, les signes d’hyper-fréquentation se font déjà bien sentir, en falaise comme en bloc, y compris aux Trois Pignons. Le personnel de l’Office national des forêts (ONF) auquel la gestion du site incombe n’est pas assez nombreux pour prendre en charge l’ensemble des aménagements nécessaires pour lutter contre l’érosion. C’est pour cette raison que cette institution, une semaine plus tôt, a formé des bénévoles du CLAC à mener ces chantiers avec son appui technique et matériel. Mettre la main au sable : l’idée est que des associations, d’adeptes de grimpe notamment, viennent apporter leur renfort dans la gestion durable des sites qu’elles utilisent. Les grimpeurs néerlandais qui ne bénéficient pas de sites naturels chez eux mais sont des habitués de Bleau l’expriment d’ailleurs ainsi : pouvoir participer activement à la préservation de l’environnement dont ils sont aussi usagers.
Un événement qui mêle escalade et partage !
Sur le terrain de pétanque de Milly-la-forêt, les chapiteaux blancs du village d’exposants matérialisent le coeur du festival qui abrite un nouveau mur d’escalade de bloc inauguré à l’occasion. Les samedi et dimanche, il accueille les finales des compétitions adultes et enfants rassemblant une cinquantaine et centaine de participant-e-s. L’objectif est aussi de faire valoir ce sport à Milly, terre d’agriculture et de patrimoine dont les élu-e-s souhaitent véhiculer un message de bienvenu auprès des grimpeurs et grimpeuses. L’espace d’un weekend, ce festival se déploie chaleureusement en un lieu de partage via des stands variés et des tables rondes qui touchent aussi bien des questions environnementales (impacts de l’escalade en forêt), d’entraînement (bien-être, performance) que de découvertes culturelles (Parc régional du Gâtinais, gravures de l’âge de Bronze à Fontainebleau).
L’une d’entre elle permet même de s’initier à la sculpture de prise en bois, une alternative naturelle à la résine multicolore bien connue des salles. Dans une pratique où la sensation et le placement sont maîtres, le bois est un vrai outil de progression durable. À partir d’une section de hêtre et grâce aux conseils avisés des deux intervenants, il prend petit à petit la forme désirée : pince, réglette, boule ou bac. D’une ponceuse portative pour le gros œuvre aux grains du papier de verre pour les finitions, la prise finale est dépourvue de vernis et laisse apparaître toute la beauté de son matériau. Mais le vrai révélateur s’expérimente au toucher : une prise lisse de toute aspérité, propice à une préhension subtile et travaillée. Le bois offre donc une alternative à sensation qu’un simple ponçage suffit à rendre comme neuf.
Le festival, pour un enjeu environnemental
Si la finale de bloc adulte du samedi soir est un franc succès, avec un public nombreux et une animation de qualité, on retiendra surtout le fil écologique qui traverse cet événement de niche. Au détour de quelques discussions, il est même étonnant de réaliser à quel point ces réflexions semblent assez marginales dans le milieu de l’escalade. Sont-elles occultées par ses représentations en tant que sport “de nature” qui tendent à lui associer un rapprochement, voire une harmonie, avec celle-ci ? A l’inverse, Oh My Bloc met l’accent sur l’importance de connaître et réduire les impacts de l’escalade dans une posture d’anticipation et d’appel à une certaine sobriété qui dénote du greenwashing habituel. Aux côtés de l’érosion des sols évoquée plus haut, les pratiques en milieux naturels sont à l’origine de déchets, de pollutions (sonores, visuelles) pour la faune et de dégradation lente des blocs. L’enjeu est d’en avoir conscience et d’adapter certains comportements afin de les mitiger, dans un contexte où des changements environnementaux globaux, en particulier climatiques, viennent s’ajouter aux pressions locales.
C’est donc avec ce message que se positionne le festival et la ville qui l’accueille. Milly se veut être pionnière en la matière avec son site de Haute Pierre ouvert il y a quelques années. L’hectare de forêt communale y regroupe une centaine de blocs et fait l’objet pendant trois ans d’un suivi écologique en partenariat avec les équipes naturalistes du Parc naturel régional du Gatinais. Au-delà de l’exemple, l’objectif est d’enrôler d’autres acteurs et actrices, notamment en fédérant un réseau autour d’une charte des bonnes pratiques de l’escalade de bloc durable. A l’issue de l’atelier érosion, c’est aussi de cela dont il est question : comment mobiliser les pratiquant-e-s, à la fois au niveau local mais aussi celles et ceux venant de région parisienne, voire de l’étranger ? Si cette perspective n’est pas encore d’actualité, on espère la voir se concrétiser d’ici les prochaines éditions du festival. Aujourd’hui un rassemblement d’insiders, son aura visant à infléchir des pratiques plus durables de l’escalade est inspirante, encore trop marginale, et ne peut que s’étendre !
Écrit par Nadège.
Photos : Photographies appartenant à Grimpeez.
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