Mes articles dédiés à l’escalade sont tirés de mon étude de recherche de master, durant 2 années, sur la pratique de l’escalade et l’environnement. A l’issue de cette ethnographie des grimpeurs, j’ai considéré que les analyses, les réflexions et tous les discours recensés des chercheurs, des sportifs, des grimpeurs eux-mêmes seraient (peut-être) une source d’inspiration pour l’avenir de cette pratique et de ses pratiquants.
Quoi qu’il en soit, transmettre cette riche expérience de conversations et d’écriture à pour but de mettre en lumière la relation entre l’homme et la nature, puisqu’ils cohabitent ensemble. Mais surtout, il semble important de se souvenir que nous dépendons de la nature, tandis qu’elle, elle vit d’elle-même.
A voir aussi : L’histoire de l’escalade – La Varappe avant l’Escalade
Issue de l’alpinisme dont elle s’est émancipée dans les années 1900, l’escalade est historiquement un sport dit « de nature ». Il convient alors d’interroger ce concept de loisirs sportifs de nature qui s’est progressivement imposé, véhiculant de nouvelles pratiques et répondant à de nouveaux enjeux de société.
De leurs origines au milieu du XIXème siècle jusqu’aux années 1970, les activités de plein air sont envisagées comme compensatrices d’un mode de vie sédentaire considéré comme délétère. Le plein air est « aussi porteur de valeurs teintées de pacifisme et d’écologie qui remettent en cause l’idéologie du progrès et les valeurs matérialistes. Les premiers surfeurs ou grimpeurs incarnent bien cette génération de pratiquants. Ils mettent en exergue un corps affectif et libre en réaction aux visions technicistes et rationnelles de l’univers compétitif et en même temps vénèrent la nature à la recherche d’une harmonie cosmique […]. Les pratiques de plein air privilégient donc une représentation utilitaire de la nature susceptible de contribuer à la santé de la personne et/ou identitaire en relation avec la poursuite d’un idéal de vie » (Bessy, 2007 : 23).
Cet aspect d’utilité se développe avec l’action de l’homme sur la nature. Les activités de plein air, deviennent les Activités Physiques de Pleine Nature ou APPN (parapente, deltaplane, ski, escalade, randonnées pédestre et équestre, VTT, canoë-kayak, plongée, surf, voile…) dès les années 1980-1990, avec un nouveau rapport à soi, aux autres et à la nature.
Dès les années 1980-1990, un nouveau rapport à soi, aux autres et à la nature se forme.
Ce nouveau rapport s’explique avec une recherche de sensations multiples et d’un rapport plus ludique à la nature dans lequel l’environnement n’est qu’un cadre de pratique utilisé à des fins hédonistes et/ou compétitives, allant de « spot » en « spot » (Ibid, 2007). L’exemple du surf ou de l’escalade paraît pertinent quand nous observons que ces deux sports de nature se sont « sportivisés » en s’institutionnalisant et organisant leurs propres compétitions, liés à l’évolution de la société. L’apparition du terme sport de nature est révélatrice de nouvelles représentations du sport et de la nature, liée à l’évolution de la société.
En effet, avec la structuration des modalités de pratiques d’escalade à partir des années 1980, et avant la mise en place de normes et de réglementations pour les modèles de compétitions, la pratique de l’escalade libre est un tournant dans l’évolution de ce sport. De nouvelles manières de grimper les voies se révèlent et la perception de la grimpe change.
De nouvelles manières de grimper les voies se révèlent et la perception de la grimpe change.
Les avancées technologiques vont permettre le développement de l’escalade libre. L’escalade, devient plus fluide, plus légère et plus sécurisée par les points en place et les innovations matérielles (chaussons, baudrier, corde dynamique…).
Plus qu’un simple sport, la pratique devient un style de vie, représente des valeurs revendiquées et exprimées, dévoile un côté artistique et esthétique, joue sur la performance et la difficulté, ainsi, une éthique de grimpe « à la française » se forme.
En effet, lors de ma rencontre avec Antoine Le Menestrel, grimpeur et pionnier de l’escalade libre, nous discutons sur l’éthique de l’escalade et des valeurs associées, apparues et révélatrices de cette époque :
« L’éthique de l’escalade était différente dans chaque pays. L’escalade libre s’inventait depuis la fin des années 70. Je faisais partie des grimpeurs qui contribuaient à cette évolution : on en discutait, on en rêvait, on actait. Je me sentais missionnaire de cette éthique. J’avais une vision absolue de notre nouvelle éthique et je pensais qu’elle était la meilleure façon de grimper ». L’éthique revient selon lui « à pratiquer l’escalade pour le partage, le dépassement de soi, l’émulation, la solidarité, la poésie, la danse de façade, la contemplation, le respect de l’autre et de la nature, la créativité, l’escalade sur les cartons ou des frigidaires, ceux qui inventeront leur voie ».
N’hésitez pas à nous dire ce que vous avez pensés de l’article en commentaires ci-dessous 🙂 La suite de l’histoire de votre sport favori arrive bientôt, restez connectés !
Bibliographie (non exhaustive) :
Bodet Stéphanie, 2017, A la Verticale de soi, Paris, Éditions Gallimard.
Duret Pascal, 2019, Sociologie du sport, Que-sais-je, Paris, Presses Universitaires de France.
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